Lanternes d’Akita

   Le mois d’août est au Japon le plus peuplé de festivals, les fameux matsuris, de cérémonies, commémorations et anniversaires. Le nord du Tohoku n’y échappe pas. La ville d’Akita, de 323 000 habitants, organise du 3 au 7 août le Kanto matsuri, le festival des Lanternes. Le mot kanto (rien à voir ici avec le département de Tokyo !) renvoie d’une part à une grande perche en bambou (kan) et d’autre part à la lumière, la lanterne (to).

   Chaque jour, de 19 heures à 20 heures environ, sur l’une des principales avenues de la ville (Chuo dori), plusieurs centaines de personnes en vêtement populaire de fête se relaient pour porter 230 à 250 porte-lanternes. Celles-ci, en tiges de bambou de douze mètres, forment des arborescences de 24 à 46 lanternes chacune, et sont couronnées d’un ruban de papier votif lié au Shinto. Chaque participant, dûment enregistré auprès d’un organisme organisateur, place son porte-lanterne soit au niveau du bas du dos, soit il le tient d’une main, au moins quelques instants,  soit encore il le place sur son front, généralement recouvert d’un hachimaki protecteur. Pour parvenir à porter ces grandes rames de lanternes d’environ 50 kilos, le manipulateur doit savoir utiliser la force du vent, qui permet de les alléger. Il effectue quelques pas, adopte certaines poses un peu hiératiques, avec un éventail spécial à la main (un tenugi) avant d’être relayé par un camarade. Chaque prestation appelle une véritable habileté, et déclenche des ovations plus ou moins soutenues.

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A Akita, les enfants s’entraînent très jeunes

    Le Festival des Lanternes est consacré au riz. Il en est l’exaltation. En portant ces lanternes au son des flûtes et de gros tambours, les participants se livrent à une sorte de divination qui appelle de bonnes récoltes prochaines. Ils lancent des imprécations : « dokkoisho, dokkoisho, oetasa, oetasa, etc. » Il faut rappeler ici que le riz d’Akita est le meilleur du Japon – bien qu’il ne m’ait pas été donné de goûter à tous les riz du pays, celui-ci me semble en effet insurpassable.

     Toute cette semaine fait d’Akita une ville animée, remplie de monde, alors que le reste de l’année, cette grande ville (d’une vaste étendue) connaît un rythme assez morne. Certains magasins ont fermé. La municipalité lutte avec courage, en ouvrant par exemple le Musée du festival des Lanternes. Chaque jour de cette fête fait l’objet d’un documentaire et de commentaires assez amples sur la chaîne NHK d’Akita. Il y a quelques jours, un jeune américain a raconté son expérience enthousiaste de porte-lanterne : habillé comme les autres participants japonais, intégré à un groupe visiblement heureux de l’accueillir, il a été la petite vedette du moment. Outre le défilé du soir (19 heures), des présentations, des compétitions et des exercices sont également organisés dans la journée, soit à côté de la grande galerie marchande, soit dans le hall de la gare JR d’Akita. Hier, des enfants ont été applaudis par les voyageurs. L’un après l’autre, ils ont porté un porte-lanternes avec une habileté sans faille, avec un sérieux de danseurs entraînés, sous l’œil vigilant de quelques aînés.

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Festival des Lanternes à Akita

   Bien entendu, la fête traditionnelle s’est associée aux intérêts touristiques locaux. Le festival des Lanternes est principalement connu des Américains, beaucoup moins des Européens. Il est vrai que, pour y assister, il faut quitter Tokyo (base de la plupart des touristes étrangers), prendre l’avion (une heure) ou le train (environ 4 heures). Akita est en effet à 450 kilomètres de la capitale, à vol d’oiseau (la distance est supérieure en train, évidemment). Cela dit, une fois arrivé, on a le plaisir d’assister à une fête populaire authentique et sincère, où les habitants se réjouissent autant que les participants proprement dits. Des Japonais d’autres régions, voire du Kanto (Tokyo) se rendent à Akita pour assister à cette fête.

Deux énormes tambours surplombent la démonstration. En contrebas, siffle une flûte ensorcelante qui fait penser au Nô.

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